Le Lavement des pieds
Homélie du Jeudi Saint (Jean 13,1-15)
LAVEMENT DES PIEDS
Avec cette page de l’Evangile de Saint-Jean, s’ouvrent les jours de la Passion. Ce soir, je vous propose de méditer le premier verset.
« Il les aima jusqu’au bout ».
Alors que Jésus s’apprête à donner sa vie par amour, nous découvrons la profondeur de ce don : « il les aima jusqu’au bout ». Le contexte dans lequel Jésus aime est celui de la trahison de Judas, son ami, celui en qui il avait placé sa confiance.
Nous avons du mal à aimer celui qui nous trahit, parfois même, nous ne voulons même plus le croiser sur notre route. Jésus aime Judas, il lui lave les pieds, il lui partagera aussi son corps et son sang ….
En Judas, c’est nous que Jésus aime jusqu’au bout, nous qui ne cessons de le trahir par tous nos péchés, petits et grands.
Jésus nous aime jusqu’au bout
- La première exigence pour comprendre ce que veut dire être aimé, et être aimé jusqu’au bout, est de se mettre en mouvement.
- En effet, Jésus nous invite d’abord à venir dans le Cénacle. Il nous faut monter, discrètement, parmi les disciples rassemblés autour de lui. Là, notre Seigneur livre ses pensées les plus intimes.
- Ceci nous ouvre à la seconde exigence de l’amour : se mettre à l’écoute….
Mais savons nous vraiment l’écouter ?
Jésus nous aime dans l’état où nous sommes, comme il a aimé Judas.
Judas va trahir Jésus, C’est dans ce climat que Jésus « se met à laver les pieds des disciples ». Plutôt que de faire de grands discours, Jésus « pose » un geste. C’est à travers ce geste que Jésus se révèle à nous, comme un Dieu qui prend la dernière place pour nous faire participer à sa vie.
L’insistance de Saint-Jean sur ce comportement de Jésus ne trompe d’ailleurs pas : « Jésus se lève de table, quitte son vêtement, prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin, il se met à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture ». Saint-Jean n’omet aucun détail.
Il veut que nous voyions bien ce qui se passe. Il veut imprimer cette scène dans nos cœurs comme elle est imprimée dans le sien.
Chaque geste traduit la délicatesse du maître, sa totale disponibilité pour le service. Mais ce geste dérange. Car il ne suffit pas de dire que le Maître prend la place de l’esclave pour rendre compte de la surprise des disciples. Il faut se rappeler que le lavement des pieds, est un rituel qui a lieu normalement au moment de l’accueil des convives, c'est-à-dire avant le repas, pas au milieu. Et surtout qu’il ne pouvait être accompli que par un esclave... Certainement pas par le Maître des lieux !
Etre aimé jusqu’au bout c’est donc se laisser faire par le Seigneur.
Cet acte d’humilité que Jésus pose envers ses disciples, manifeste son amour. Comment nous situons-nous dans cette démarche ? Ne sommes nous pas souvent comme Pierre qui réagit :
« Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ». Sa réaction est caractéristique de celui qui n’accepte pas de se laisser servir, de se laisser aimer.
Certes, le geste de Jésus peut le gêner, mais pourtant, s’il veut vraiment être disciple et ami du Christ, il doit accepter de se laisser initier par Jésus.
Jésus répond alors à Pierre : « Si tu ne te lave pas, tu n’auras point de part avec moi. » le fait de laver les pieds fait entrer les disciples dans une communauté, celle des croyants et le baptême, qui nous a lavés de nos péchés en est la marque. De par notre baptême, nous participons nous aussi à cette vie nouvelle que communique Jésus : « nous avons part avec lui. »
Puis, il pose cette question à ses disciples: « Comprenez-vous ce que je viens de faire ? » cette question il la pose aussi aujourd’hui, à chacun d’entre nous. Comprenons-nous ce que Jésus a fait ?
Jésus accomplit là, un geste qui ne peut laisser indifférent. Les disciples ont vécu une expérience, qu’ils ne comprendront que plus tard, quand Jésus sera ressuscité. Pour le moment, ils sont dans l’ignorance.
- Jésus révèle alors le sens véritable de l’autorité : « Vous m’appelez « Maître » et « Seigneur », et vous avez raison.
Se mettre ainsi aux pieds de ses disciples, dévoile que la Seigneurie du Christ consiste à faire grandir l’homme, à lui permettre de donner le meilleur de lui-même. Aimer, c’est faire grandir l’autre, c’est lui révéler sa grandeur.
Aimer ce n’est pas un pouvoir qui écrase, c’est un service qui relève et fait croître en charité. Ainsi nous appelle nous aussi à faire de même, à aimer
« C’est un exemple que je vous ai donné, afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
Le message est clair : une fois rentrés chez nous, il nous faudra laver les pieds de nos frères, c'est-à-dire de trouver les gestes de service réciproque qui disent l’amour de charité qui constitue l’Eglise.
Comment faire de même ? Comment nous laver les pieds les uns les autres ? Nous laver les pieds les uns les autres, c’est accepter de faire partie de cette communauté autour de Jésus, c’est accepter de servir chacun, sans distinction sans a priori, sans restriction. Nous ne pouvons rester indifférents à ce qui se vit dans le monde.
Nous devons vivre de cet amour les uns pour les autres pour témoigner de l’Evangile. Le Seigneur compte sur nous…
- Mais pour que nous en ayons la force, il nous invite à sa table. En effet, l’enseignement ne s’arrête pas à ce geste symbolique. Une fois le lavement des pieds achevé, Jésus revient à table et partage le pain.
A ceux dont il a lavé les pieds, Jésus donne son corps en nourriture et son sang en boisson. Voilà le témoignage d’un amour allant jusqu’au bout. A ceux qu’il a aimés d’un amour qui fait se mettre au service de l’autre, sans recherche de soi, Jésus se livre, il se donne pour ne faire qu’un avec eux. Et pour qu’eux-mêmes ne soient qu’un. C’est le sens du commandement « faites cela en mémoire de moi ».
La table eucharistique est donc la table de la fraternité. Pas seulement la table de la convivialité, mais celle d’une fraternité qui révèle son visage et son origine dans le service des autres.
Celui qui prend le pain partagé à cette table ne peut pas, ne doit pas, rester insensible à l’exigence de service de ses frères, de tous ces frères, quels qu’ils soient, un nécessiteux ou un membre de notre propre famille.
Aimer jusqu’au bout, c’est aimer avec la radicalité dont Jésus nous rend capables d’aimer. C’est aimer en respectant sans concession l’appel de Jésus. En mettant en pratique toutes les exigences, les plus grandes comme les plus petites, qui sont liées à notre état de vie.
- Le sacrement de l’Eucharistie est le plus grand trésor que Jésus nous offre¸c’est le plus grand, parce qu’il nous permet d’accueillir l’initiative d’amour de notre Seigneur, de garder vivante la mémoire de sa volonté sur nous, et parce qu’il possède la vertu de mettre en œuvre son commandement d’amour. Il est tellement précieux que nous allons tout à l’heure consacrer une partie de notre nuit à l’adorer.
Mais ce n’est pas tout. Ce verset, « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'au bout », nous rend aussi une idée précise du climat de cette nuit unique. La nuit qu’il fut livré. Les sentiments que Jésus a éprouvés, les angoisses qu’il a traversées, nous nous les rappelons en cette nuit. Ils nous motivent à rester avec Jésus ce soir.
Non pas pour éviter qu’il soit seul. Les disciples se sont tous endormis, nous ne valons guère mieux.
Rester auprès de Jésus eucharistie ce soir, c’est dire à Jésus :
« Merci Seigneur d’avoir choisi d’aller jusqu’au bout pour notre liberté. Merci Seigneur d’avoir bu la coupe amère de la trahison et de la mort pour nous faire revivre. Ton sacrifice n’est pas vain, nous l’accueillons. Ton sacrifice portera du fruit dans nos vies. Emerveillés devant la gratuité de ton amour, nous aussi nous sommes désireux d’aller jusqu’au bout, d’aimer jusqu’à nous donner nous-mêmes, d’aimer jusqu'au bout.
L’amour est l’héritage le plus précieux que Jésus laisse à ceux qu’il appelle à sa suite.
Or cet amour, partagé entre ses disciples, est ce soir offert à l’humanité entière.
Qui ira le leur porter ? Telle est notre responsabilité ; telle est notre réponse.
Seigneur, tu nous as aimés jusqu’au bout, nous irons porter cet amour jusqu’au bout de notre cercle familial, social, humain ; tu nous as aimés jusqu’au bout, nous remercions en mettant cet amour en pratique jusqu’au bout de tes exigences.
Il est grand le mystère de la foi que nous célébrons ce soir !
Amen !
Joé THOMPSON – Prédication du Lavement des pieds du Jeudi Saint à Saint Etienne / 2013